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QE Paris Newsletter Mai 2024

June 12, 2024
Firm Memoranda

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LES DELITS DE FAVORITISME ET DE RECEL DE FAVORITISME

Le procès qui s’est ouvert le 21 mai dernier devant le tribunal correctionnel de Paris concernant des faits de favoritisme et recel, dans le cadre de contrats de conseil,  contre un ancien dirigeant d'une entreprise du secteur public de l'énergie est l’occasion de revenir sur le régime juridique applicable à ces infractions  et  sur les risques qu’elles posent pour les entreprises et leurs dirigeants.

Qui est soumis aux dispositions de l’article 432-14 du Code pénal ?

Également connu sous le nom « d’octroi d’avantage injustifié, » le délit de favoritisme  incriminé par l’article 432-14 du Code pénal sanctionne le fait de favoriser un candidat  par la violation des règles relatives à l’attribution des marchés publics.

Le   texte   prévoit   une   liste1   des   personnes   physiques   ou   morales   susceptibles  d'être poursuivies dans la mesure où elles disposent d'un pouvoir de décision au cours  d’une procédure d’appel d’offres, que ce soit au cours des actes  préparatoires, de l’élaboration et de la publication  des  critères  de  sélection,  ou  encore du choix final. Cependant, toute personne qui ne serait pas visée par cette liste  mais qui «sciemment, par   aide   ou   assistance,» facilite la préparation ou la consommation du délit de favoritisme peut être poursuivie en qualité de complice (article 121-7 du  Code pénal). Par ailleurs, toute personne qui bénéficie de la commission de cette infraction peut également  être  poursuivie au titre du délit de recel de favoritisme prévu par l’article 321-1 du Code pénal. Sont donc concernées  les personnes physiques et morales qui sont soumises au Code des marchés publics  ou qui contractent avec elles.

Quels sont les contrats concernés ?

Le texte vise les marchés publics et les contrats de  concessions.  Dans  la  pratique,  seuls  les  contrats  les  plus  importants  imposent  de  mettre en oeuvre une procédure d’appel d’offres. A ce jour, l’Avis relatif aux seuils de procédure  et  à  la  liste  des  autorités  publiques  centrales  en  droit  de  la commande publique fixe les seuils applicables depuis le 1er janvier 2024 :

  • 140 000 € HT à 143 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des autorités publiques centrales;
  • 215 000 € HT à 221 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des autres  pouvoirs  adjudicateurs  et  pour  les  marchés  publics  de  fournitures  des autorités publiques centrales opérant dans le domaine dela défense;
  • 431 000 € HT à 443 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité;
  • 5 382 000 € HT à 5 538 000 € HT pour les marchés de travaux et pour les contrats de concessions.

Quels sont les risques encourus pour les entreprises et leurs dirigeants ?

Il faut noter que  le délit de favoritisme  peut être constitué  par le simple  non respect  des règles  de  procédure qui sont destinées à garantir l'égalité entre les candidats, même en l'absence  d'une intention de favoriser l'un d'eux.

Le  délit  de  favoritisme  commis  par  une  personne  physique  est  puni  de  deux  ans  d’emprisonnement  et  200  000  euros  d’amende  (article  432-12  du  Code  pénal).  La  tentative est également punissable des mêmes peines (article 121-4 du Code pénal). En  outre, le recel du délit de favoritisme est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375  000 euros d’amende (article 321-1 du Code pénal). Quant aux personnes morales, elles  encourent le quintuple de la peine d’amende applicable aux personnes physiques, soit  150  000  euros  maximum  (article  131-38  du Code   pénal). Des peines complémentaires, notamment l'interdiction de plein droit de participer aux procédures de passation de  marchés publics, sont également encourues.

Dans la jurisprudence – Le délit de favoritisme, de même que le recel, sont sources d’un  contentieux pénal croissant. A titre d'exemple, la Cour de cassation a pu sanctionner l'absence de mise en concurrence (Cass. Crim., 4 mars 2020, n.19-83.446) ou encore la  divulgation d'informations  confidentielles à un candidat (Cass. Crim., 10 janvier 2024,  n.23-80.952).  Par  ailleurs,  la  chambre  criminelle  de  la  Cour  de  cassation  retient régulièrement un cumul d'infractions, entrant par exemple en voie de condamnation pour des faits de favoritisme et de trafic d'influence (Cass. Crim., 3 avril 2019, n.17-87.209), ou encore de favoritisme et de prise illégale d'intérêts (Cass. Crim., 17 avril 2019, n.18-83.025).

A l'heure actuelle, le favoritisme n'entre dans pas le champ de la Convention Judiciaire  d'Intérêt Public (CJIP) de l'article 41-1-2 du Code de procédure pénale. En l'état, la  sanction du favoritisme et du recel de favoritisme via une CJIP n'est possible que si ces  délits sont connexes à une infraction principale entrant dans le champ d'application de la  CJIP.  Pour  autant,  le  rapport  d'information  sur   l’évaluation  de  l’impact  de  la  loi  n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption  et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II) relève que «de l’avis de nombreux  praticiens  comme  des corruption  et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II) relève que «de l’avis de nombreux  praticiens  comme  des  personnes  auditionnées,  ce  champ  gagnerait  à  être  encore étendu à d’autres infractions, notamment à d’autres infractions en matière de  probité,» y compris le  délit de favoritisme. Le Procureur de la République financier, Jean-François  Bohnert, a également indiqué  être  en  faveur  d'une  telle  extension. A  cet égard,  le  Parquet  National  Financier a  conclu le 15  mai 2023 une CJIP avec Bouygues Bâtiment Sud Est et sa filiale LinkCity Sud Est. En  l’espèce, les deux sociétés se sont engagées à verser une amende de 7,9 millions  d’euros pour mettre fin aux poursuites pénales contre elles, et à se soumettre à un  programme de mise en conformité d’une durée de trois ans sous le contrôle de l’Agence Française Anticorruption.

1 L'article 432-14 du Code pénal vise: «une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une  mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant,  administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés  d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie  mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées ».

   

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